Ce que la majorité ignore sur le 13e mois dans la fonction publique : la vérité révélée

Le 13ème mois dans la fonction publique : mythe, exceptions et réalités #

Qu’est-ce que la prime dite du 13ème mois et ses équivalents ? #

La notion de 13ème mois désigne une prime annuelle, généralement équivalente à un salaire mensuel brut, versée en complément de la rémunération habituelle en fin d’année. Cette pratique est solidement ancrée dans le secteur privé : chez Société Générale, banque, ou Renault, constructeur automobile, le versement du 13ème mois répond à la volonté de motiver et fidéliser les collaborateurs en apportant une sécurité financière lors des fêtes et permet une différenciation sociale des entreprises vis-à-vis de leurs concurrents.
Dans la fonction publique, l’équivalent d’un 13ème mois prend souvent la forme de « prime de fin d’année », mais sans cadre légal uniforme, ni systématicité. De rares administrations, du fait d’anciens usages ou de dispositions particulières, conservent cette pratique, tandis que, pour l’écrasante majorité, elle ne fait pas partie du régime indemnitaire. À la différence du secteur mutualiste (telle la MAIF), où le 13ème mois figure au contrat, l’administration publique n’accorde ce complément que dans des cas très spécifiques.

  • Dans le privé : souvent contractualisé, il figure dans la convention collective nationale, comme chez Capgemini, ESN (informatique), ou inscrit dans l’accord d’établissement.
  • Dans le public : « prime de fin d’année » ou « prime de 13ème mois » parfois maintenue dans certains hôpitaux publics ou collectivités territoriales.

Le versement peut être global en décembre ou étalé sur l’année selon les entités. Il s’agit d’un complément de salaire imposable, soumis à cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.

L’absence de droit statutaire au 13ème mois dans la fonction publique #

Soulignons que ni les fonctionnaires titulaires, ni les contractuels ne disposent statutairement d’un droit à la prime de 13ème mois depuis plusieurs décennies. Ce vide réglementaire trouve son origine dans l’absence de mention explicite dans les textes fondamentaux régissant la rémunération de la fonction publique d’État (Loi du 13 juillet 1983), de la fonction publique territoriale (Loi du 26 janvier 1984) et de la fonction publique hospitalière (Loi du 9 janvier 1986).
Le statut général des fonctionnaires prévoit une rémunération composée du traitement indiciaire, des indemnités statutaires et de diverses primes prévues par décret, mais pas de 13ème mois. Cette différence fondamentale avec le régime du privé perdure, comme le rappellent les débats à l’Assemblée nationale lors de la révision du cadre statutaire en 2016 et les nombreuses sollicitations de la CFDT Fonctions publiques observées depuis 2021.
Les sollicitations récurrentes de syndicats tels que la CGT Fonction Publique s’appuient sur une comparaison directe avec des entreprises du secteur bancaire parisien ou informatique où la prime fait partie intégrante du bulletin de paie, ce qui entretient la confusion et régénère les revendications.

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  • Depuis le 28 janvier 1984, aucune nouvelle instauration d’un 13ème mois officiel n’est possible dans la fonction publique, sauf cas limités d’avantages acquis de manière collective et pérennisés.
  • Les textes réglementaires listent précisément les primes versables ; le 13ème mois n’y figure pas.

Le cas des collectivités et établissements publics l’ayant instauré historiquement #

Avant la réforme de janvier 1984, certaines collectivités territoriales ou établissements publics hospitaliers ont pris l’initiative de mettre en place une prime assimilée à un 13ème mois, soit par décision des assemblées délibérantes, soit en suivant une tradition locale forte, à l’instar du Conseil départemental du Nord ou du Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand. Ce droit, dit d’avantage collectivement acquis, subsiste pour les personnels recrutés avant la réforme, sous réserve d’un maintien dans le budget prévisionnel de la collectivité.

  • Montant et modalités : il s’agit la plupart du temps d’une prime forfaitaire équivalente à un douzième du salaire annuel, versée chaque mois de décembre.
  • Conditions d’éligibilité : seuls les agents ayant intégré la structure avant fin janvier 1984 en bénéficient ; aucune extension n’est permise pour les nouveaux entrants.
  • Exemples concrets :
    • La Mairie de Mulhouse, département du Haut-Rhin, maintient le 13ème mois pour ses titulaires en poste avant 1984.
    • Le CHRU de Nancy le verse à quelques centaines d’agents sur plus de 8 000.
    • Le Département de la Seine-Saint-Denis mentionne ce forfait dans son bilan social 2023, pour les personnels en poste sans interruption depuis la réforme statutaire.

Le financement de ce maintien est assuré par le budget propre de l’établissement, soumis à l’approbation annuelle du conseil d’administration. Le principe juridique est donc bien celui d’un droit non extensible ; toute velléité d’élargir cette pratique à d’autres agents se heurte aux dispositions réglementaires en vigueur.

Distinction entre prime de 13ème mois, indemnités et autres primes dans la fonction publique #

Plusieurs dispositifs de rémunération complémentaire structurent la fonction publique, mais leur nature diffère nettement de celle du 13ème mois distribué dans le secteur privé.

  • Prime de 13ème mois : versée uniquement là où une tradition antérieure à 1984 existe, son montant obéit aux règles fixées lors de son instauration et ne varie plus.
  • Indemnités spécifiques de fin d’année : prime exceptionnelle de Noël, indemnités de fin de cycle, dispositifs à enveloppe fermée, calculés sur la performance individuelle ou collective. La Mairie de Marseille, par exemple, opère un reversement de prime exceptionnelle plafonné à 600 euros pour les agents non bénéficiaires du 13ème mois.
  • Régime indemnitaire : RIFSEEP (Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions, Sujétions, Expertise et Engagement Professionnel) dans la fonction publique d’État ou territoriale, associé à des primes statutaires ou de technicité, tel que la prime informatique SIRHUS dans l’Éducation Nationale.

Un distinguo s’impose entre :

  • les compléments de rémunération récurrents (ex : 13ème mois d’ancienneté à la Mairie de Strasbourg),
  • les primes conditionnées à la performance ou à l’assiduité (ex : prime exceptionnelle de fin d’année en 2022 dans les établissements régionaux de santé d’Île-de-France),
  • les indemnités de sujétion particulière (ex : prime de pénibilité, indemnité de résidence).

La fiscalité appliquée à ces dispositifs est homogène en matière d’imposition sur le revenu, seule la nature du complément (prime exceptionnelle ou prime annuelle) régissant le taux de prélèvement à la source et l’ouverture éventuelle de mécanismes d’exonération ou de plafonnement social.

Calcul, montant et modalités de versement quand la prime existe #

Lorsque la structure publique dispose, en raison de son histoire, d’un dispositif de 13ème mois—cas du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle ou du CHU de Besançon—le calcul s’articule comme suit :

  • Base : salaire brut annuel de référence du bénéficiaire, hors primes et indemnités accessoires.
  • Montant : généralement correspondant à 1/12ème du salaire brut annuel, mais pouvant être minoré (ex : 80% à la Ville de Pau), ou majoré ponctuellement selon les exercices budgétaires.
  • Exclusions : congés sans solde, temps partiel, absences non rémunérées. Le calcul est alors proratisé à la présence effective annuelle.
  • Calendrier : versement globalisé sur le bulletin de décembre ou, cas exceptionnel, fractionné mensuellement (usage de la collectivité de Grenoble avant 2000).
  • Fiscalité : imposable au titre des traitements et salaires, soumis au barème classique. Selon le service juridique du Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques, ce complément est intégré dans le calcul du prélèvement à la source.

Ce tableau synthétise les modalités typiques observées dans les établissements mainteneurs du 13ème mois :

Structure publique Mode de calcul Conditions d’éligibilité Modalités de versement Fiscalité
Mairie de Mulhouse 1/12ème du salaire annuel brut Entrée avant 1984, présence continue En décembre Imposable, soumise aux charges sociales
CHRU Nancy Fixe ou proportionnelle à l’ancienneté Personnel hospitalier d’avant 1984 Prime unique ou fractionnée Intégrée au revenu imposable
Département Seine-Saint-Denis Formule forfaitaire Statutaire Fin d’année Prélèvement à la source

Alternatives et dispositifs de reconnaissance propres à la fonction publique #

Afin de compenser l’absence d’un 13ème mois généralisé, les employeurs publics français ont instauré divers dispositifs adaptés au contexte statutaire et budgétaire :

  • Primes annuelles spécifiques :
    • Prime de service des personnels hospitaliers, calculée sur les résultats collectifs (respect des objectifs de service, taux d’absentéisme), versée chaque juin en variable, plafonnée à 15% du traitement annuel.
    • Gratification annuelle dans certaines régies municipales, comme à la Régie Eau Nice Côte d’Azur, pour des montants compris entre 250 et 900 euros selon la catégorie.
  • Régime indemnitaire modernisé (RIFSEEP, IFSE, CIA) permettant une modulation personnalisée des primes sur la base de la responsabilité, de l’expertise et de l’engagement.
  • Reconnaissance institutionnelle via des « primes Macron exceptionnelles » allouées en 2020-21 à plus de 50 000 agents hospitaliers et de 120 000 enseignants impliqués dans la gestion de la crise COVID-19.

Ces dispositifs tendent à renforcer la performance des services et à fidéliser les agents, tout en maintenant la contrainte budgétaire. Les critères d’attribution reposent sur l’ancienneté, la catégorie statutaire (A, B, C), l’atteinte des objectifs quantitatifs ou qualitatifs, toujours soumis à l’évaluation de la hiérarchie et à la validation du budget par l’organe délibérant.

Perspectives d’évolution et débats actuels sur la question #

La question d’un éventuel alignement de la fonction publique sur le secteur privé concernant la prime de 13ème mois demeure vive dans l’actualité sociale française. Depuis 2017, de nombreux syndicats, en tête la CGT Fonction Publique et la Fédération FO des Services Publics, réclament une extension ou une compensation universelle, brandissant comme arguments :

  • La distorsion salariale avec les grandes entreprises du CAC40 (ex. Airbus, industrie aéronautique, où le sursalaire de fin d’année s’élève à près de 10% du revenu annuel).
  • L’effet d’attractivité jugé crucial dans certains bassins d’emploi, souligné lors du Congrès National des Collectivités Territoriales de Lille en juin 2024.
  • Le sentiment d’iniquité exprimé dans le rapport DUSSOPT 2023 sur l’évolution des rémunérations publiques.

Ces revendications se heurtent à plusieurs obstacles majeurs :

  • Cadre réglementaire verrouillé depuis 1984, interdisant toute nouvelle extension du dispositif.
  • Contraintes budgétaires nationales et locales, peu compatibles avec une extension de ces dépenses de personnel dans le contexte de la trajectoire des finances publiques imposée par la Loi de Programmation des Finances Publiques 2024-2027.
  • Maintien d’une philosophie indemnitaire fondée sur la valorisation de l’engagement, de la performance collective et des métiers à responsabilité, position réaffirmée par Stanislas Guerini, Ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques en janvier 2025.

L’enjeu du 13ème mois, marquant l’écart entre secteur public et privé, continue à alimenter les discussions syndicales et politiques, sans perspective d’évolution tangible à court terme.

Notre analyse met en lumière la singularité du régime indemnitaire public français, fruit d’une histoire longue et de choix collectifs assumés, mais aussi les tensions persistantes entre attentes salariales et contraintes institutionnelles. Nous sommes convaincus que la question du 13ème mois dans la fonction publique, loin de relever du simple mythe, cristallise des enjeux profonds de modernisation et de reconnaissance, qui méritent une réflexion dépassant la simple comparaison avec le secteur privé.

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